L'ensemble baroque "Les Ombres" : un grain de folie dans la morne grisaille - Festival de Lanvéllec

Chronique d'Yvan Madec, E.Leclerc de Landivisiau

Un grain de folie dans la morne grisaille.

 

Dimanche 21 octobre. Le crachin breton enveloppe la campagne de Lanvellec dans les Côtes d’Armor… Mais la chaleur de quelques notes de musique filtre des portes encore fermées de l’église Saint Brandan : les musiciens de la troupe Les Ombres répètent et réchauffent les vieux bois de leurs instruments, alors qu’un public nombreux se presse autour des entrées…

 

15h, l’église s’est remplie en un clin d’œil, devant l’orgue Dallam qui trône majestueusement au fond de la nef. Rapide présentation de Geneviève Le Louarn, Présidente de l'association : après les thèmes des années passées (les 4 éléments en 2007, le monde en mouvement en 2009, guerre et paix en 2010, le baroque art populaire en 2011) le programme du festival 2012 a pour thème général la folie.

 

Folie fertile et créatrice de cette époque baroque qui expérimente avec audace et créé de nouveaux instruments, s’enrichit des nouvelles sonorités revenues des Indes ou des Amériques, cultive l’extravagance. Folie diabolique ou fantastique, folie amoureuse… Chaque festival demande deux ans de préparation, c’est le fruit de la collaboration entre les artistes et l’association RIMAT : ici on ne vient pas faire la promo de son dernier CD, mais on construit un projet collectif de passeurs d’une culture populaire et à l’opposé de toute connotation élitiste. Peut être un message à certaines élites condescendantes ?

La scène occupe le chœur de l’église. Les instruments, magnifiques, n’attendent plus que leurs artistes. Margaux Blanchard achève de préparer la viole de gambe devant un clavecin rouge flamboyant et près d’un impressionnant théorbe. Le programme démarre par une pièce de Couperin, La Superbe (1695), puis enchaîne sur une suite de danses de Charpentier, les Fous divertissants (1680). Des divertissements galants qui nous amènent naturellement au bijou de ce programme : Le Carnaval et la Folie de André Cardinal Destouches (1738), un mini opéra ballet sur le thème éternel de l’amour, ses caprices et ses aléas…

 

Margaux Blanchard s’est levée pour le présenter brièvement de sa voix fluette avec une main en porte voix, façon « oyez braves gens!… ». Enthousiasme de la jeunesse ! Car la moyenne d’âge sur la scène avoisine les 25 ans peut-être, et pourtant l'exécution est brillante, décomplexée! Le soin dans les détails et la finesse des jeux montrent un énorme travail sans concession... Autour des directeurs artistiques Marion Blanchard et Sylvain Sartre (flûte traversière) : Benjamin Chénier et Alice Julien Laferrière (violons), Elsa Franck et Anaïs Ramage (flûtes, hautbois et basson), Vincent Flückiger (théorbe) , Nadja Lesaulnier (clavecin), Thierry Gomar (percussions). Et 2 solistes : Mélodie Ruvio (mezzo soprano, ou plutôt "bas dessus" comme on disait autrefois) et Lisandro Abadie (basse taille selon les références baroques) qui incarnent parfaitement la métaphore de La Folie et du Carnaval...

 

Le public conquis a quitté à regret ces musiciens généreux, répandant au dehors une douce folie joyeuse... Certains se sont attardés autour des instruments fabuleux... pour partager avec les artistes un grain de cette folie. Tel Thierry Gomar intarrissable sur les marquettteries nacrées de ses tambourins d'Egypte...

 

Tiens ? Dehors la pluie a cessé!

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